GÉOPOLITIQUE ET PLACE FINANCIÈRE DU LUXEMBOURG EN EUROPE

Présentation du Grand-Duché de Luxembourg

par Monsieur René BLEY, président de l’association franco-luxembourgeoise de Lyon

Introduction

Le Grand-Duché de Luxembourg est une monarchie constitutionnelle, située au cœur de l’Europe, frontalier avec La France, l’Allemagne et la Belgique.

Son territoire a une superficie de 2586 km² (Rhône : 3249 km²) et sa population est de 563.000 habitants, dont environ 258.000 étrangers, issus pour 86% de l’Union européenne (UE).

Les luxembourgeois sont en majorité trilingues, voire quadrilingues : la langue maternelle, le Luxembourgeois (dialecte germanique) est parlé par 78 % des résidents, le français et l’allemand, langues officielles respectivement par 96% et 75%. L’anglais vient se rajouter dès le collège et est parlé par 61% de la population. Ce multilinguisme est une spécificité du pays.

Tous les jours 170.000 frontaliers font l’aller-retour pour travailler au Luxembourg : dont environ 86.000 français ; 42.000 belges et 42.000 allemands.

Histoire

En 963, le comte Sigefroi acquiert de l’abbaye Saint-Maximin de Trèves un fortin, nommé Lucilinburhuc appartenant alors à la frange du Saint Empire romain germanique

A la fin du XIIIe siècle le comté de Luxembourg, suite aux mariages, liens de vassalité, achats de terres et surtout à la guerre occupe un vaste espace entre Meuse et Moselle et se situe à cheval sur la frontière linguistique germanophone et francophone et a des liens de vassalité avec l’Allemagne et la France.

En 1312 Henri VII comte de Luxembourg devient empereur du Saint Empire romain germanique

En 1346 (Année de la bataille de Crécy, où Jean, fils de Henri VII meurt aux côtés du Roi de France) son autre fils Charles IV est couronné à son tour empereur et en 1354 il élève le comté au rang de duché du Luxembourg. En 1364 avec l’acquisition du comté de Chiny, le duché atteint sa plus grande étendue (10 000 km²).

2 autres ducs deviendront empereurs : Wenceslas (fin du XIVe) et Sigismond (début du XVe), dernier empereur d’origine luxembourgeoise.

En 1443, Philippe le Bon, duc de Bourgogne conquiert la ville de Luxembourg. Le duché passe sous l’autorité des Pays-Bas bourguignons

En 1555, suite à l’abdication de Charles Quint en faveur de son fils Philippe II, roi d’Espagne le duché et les Pays-Bas reviennent aux Habsbourg  d’Espagne

Lors des guerres entre Habsbourg et Valois, la ville de Luxembourg  est transformée en une des forteresses les plus réputées d’Europe  « Gibraltar du Nord »

En 1659 Traité des Pyrénées : la partie Sud du Luxembourg avec la ville de Thionville sont cédées à la France

En 1684 la forteresse est conquise par Vauban, qui entreprend ensuite de vastes travaux de fortification

En 1697 en vertu du traité de Ryswick Louis XIV doit restituer le Duché à l’Espagne

En 1715, après la guerre de succession en Espagne, le duché revient à la branche autrichienne des Habsbourg et connaît une longue période de paix et de tolérance (liberté de culte pour les non-catholiques)

En 1795, les troupes de la Révolution assiègent la forteresse  de Luxembourg pendant 7 mois avant sa capitulation. Le Luxembourg devient un département français : département des forêts.

En 1798 les luxembourgeois se révoltent contre le service militaire généralisé , la hausse des impôts et la politique anti-religieuse : c’est le Klëppelkrich (guerre des gourdins), vite réprimée par les troupes françaises.

En 1815, au Congrès de Vienne, le duché devient grand-duché, perd ses territoires de l’est au profit de la Prusse et la forteresse de Luxembourg devient territoire de la confédération germanique, alors que le roi des Pays-Bas est désigné Grand-Duc du Luxembourg.

En 1839, traité de Londres crée 3 états autonomes : Pays-Bas, Belgique et Luxembourg, qui perd alors la partie ouest du pays, qui devient la province belge du Luxembourg.

Peu à peu le Luxembourg affirme son indépendance  totale et sa devise est : « Mir wölle bleiwe wat mir sin »  (nous voulons rester ce que nous sommes)

En 1867, suite au 2e traité de Londres le Grand-Duché est désarmé et devient neutre : la garnison prussienne quitte la forteresse, qui est démantelée.

L’Allemagne violera cette neutralité par 2 fois en 1914 et 1940  avec des velléités d’annexion du pays, mais par deux fois les Luxembourgeois s’y opposent

Notons qu’en 1886, nait à Luxembourg Robert Schuman, « père » de l’Europe

En 1919 le Luxembourg , propose à la France une union économique après un référendum favorable à 73%.

En 1920, la France refuse l’offre luxembourgeoise

En 1921, la Belgique et le Luxembourg signent l’UEBL (union économique belgo-luxembourgeoise)

En 1947 la ratification de la convention du Benelux instaure une union douanière entre Belgique, Nederland (Pays-Bas) et Luxembourg

En 1949, adhésion à l’OTAN

En 1951, membre fondateur de la CECA (communauté européenne du charbon et de l’acier).

En 1952, Luxembourg devient siège provisoire de la première communauté européenne

En 1957, le Luxembourg adhère au traité de Rome (CEE et Euratom), en sa qualité d’un des 6 pays fondateurs de la communauté européenne.

Institutions européennes

En raison de sa position géostratégique centrale et de son rôle important dans la CECA comme producteur d’acier, le Luxembourg est devenu siège de nombreuses institutions européennes :

Secrétariat Général du Parlement européen

Services « juridico-financiers » de la Commission

Cour de justice européenne

Cour des comptes européenne

BEI (banque européenne d’investissement)

FESF (fond européen de stabilité financière)

MES (mécanisme européen de stabilité)

Eurostat (office statistique)

Office des publications & centre des traductions (JO 22 langues)

Agence exécutive pour la santé et les consommateurs

Soit au total +/- 12.000 fonctionnaires sur les 44.000 de l’UE.

Essor économique

En 1842, la découverte de gisements de minerai de fer dans le sud du pays  (minette) révolutionne l’économie essentiellement basée sur l’agriculture.

A partir de 1870, construction de grandes usines sidérurgique : Esch/Alzette, Differdange, Dudelange etc. A la veille de la 1ère guerre mondiale le Luxembourg est 6e producteur mondial  d‘acier (ARBED créé en 1911)

L’acier assure la richesse du Luxembourg  et l’emploi d’un quart de la population active jusqu’à la crise des années 1970. La dernière mine ferme en 1981 ; le dernier haut-fourneau  s’arrête en 1997. Les aciéries luxembourgeoises ont été intégrées d’abord dans Arcelor, puis dans ArcelorMittal. Les luxembourgeois ont su anticiper ce déclin sidérurgique en développant dès 1963 la place financière.

En effet en 1963, c’est la première émission euro-obligataire cotée à Luxembourg. Le développement  des euros-marchés entraîne  l’émergence  de la place financière.

A partir des années 1980, c’est le « private banking » qui prend le relais et le Luxembourg se lance dans les produits d’investissement et devient le 2e centre mondial des organismes  de placement collectif (OPC) après les USA, gérant environ 2.000 milliards  d’euros d’avoirs.

Le succés de la place financière doit beaucoup à la situation du pays au cœur de l’Europe, au multilinguisme des habitants, à la stabilité politique, économique, fiscale et sociale, aux relations étroites entre acteurs économiques et politiques.

Le Luxembourg a su acquérir la confiance des clients en développant un service sans faille, une culture de la discrétion et une fiscalité  stable et attrayante.

La compétence professionnelle de la place est assurée par une formation universitaire adaptée :  Master of Science in Banking and Finance dispensée par la « Luxembourg School of Finance » et par l’accueil des compétences étrangères.

La place financière de Luxembourg aujourd’hui accueille plus de 150 banques de 26 pays différents,  3 500 fonds d’investissement, 53 assurances- vie et 40 non-vie, 261 réassurances, 288 intermédiaires professionnels : gestionnaires d’actifs …  et activités annexes : avocats, audits …

Le secteur financier assure 25% du PIB, 25% des recettes fiscales et 14% de l’emploi.

De nombreux mythes circulent sur la place financière. Mais en réalité, le Luxembourg fait partie de l’UE et de l’OCDE et en applique les lois et la supervision de son secteur financier est efficace :

La banque centrale surveille les risques systémiques, les liquidités et  les systèmes de paiement

Le Ministère des Finances contrôle la Commission pour la surveillance du secteur financier et le Commissariat aux Assurances

Le secret bancaire  existe et fait partie des obligations professionnelles des banquiers. Il est destiné à protéger la sphère privée du client, cependant  il n’est pas absolu et suit les règles de la convention OCDE. Il peut être levé entre pays pour des délits pénaux reconnus tels dans les 2 pays : activités criminelles, blanchiment d’argent … , mais maintenu si dans un pays l’infraction est pénale et dans l’autre administrative. Au Luxembourg, « l’erreur » fiscale peut constituer une faute administrative, ouvrant droit à redressement fiscal, mais sans poursuites pénales

A part le secteur financier, le Luxembourg bénéficie d’une économie diversifiée .

Nombreux sièges de sociétés, tels que RTL  Group (médias);  SES-Astra avec plus de 40 satellites, Goodyear (secteur automobile); ArcelorMittal (métallurgie); LuxairCargo  (hub de fret aérien) ; Fanuc (robotique) ; DuPont de Nemours (plastiques) ; Lorry-rail (fret/rail Luxembourg-Perpignan) ; Guardian (verre, isolation) ; de nombreuses sociétés IT, telles que Amazon, AOL, Apple iTunes, Paypal, Ebay, Skype, Rakuten  (e-commerce dont PriceMinister) et 200 éco-entreprises  (énergies renouvelables, déchets, eau, écoconstructions) ;  technologies de la santé …

Quelques données sociales :

Le salaire minimum au 1/01/2013 est à 1.874,19 € pour une personne non qualifiée de 18 ans ou plus et 2.249,03  € pour une personne qualifiée.

Le taux des cotisations sociales salariales : 13,45%

Le taux des cotisations sociales patronales : 15,05 % incluant une mutuelle performante

Le chômage n’est pas financé par des cotisations sociales, mais par l’impôt de solidarité = 4% de l’IR à charge des personnes physiques et 5% de l’IR à charge des collectivités

Le revenu minimum garanti est accordé sous conditions et s’élève  en 2012 à 1283,24 € pour une personne seule  et à 1924.86 € pour un couple.

Quelques données fiscales :

Pour un résident fiscal luxembourgeois, le taux maximum sur le revenu est de 38%.

Il y a 4 taux de TVA : 3% ; 6% ; 12% ; 15%

La taxation des produits de l’épargne est de 10%

Il n’y a ni impôt sur les grandes fortunes, ni taxe d’habitation.

L’impôt foncier est modique :  par exemple 32 €  annuel pour un T2 de 70 m² dans le sud du pays

L’impôt sur les sociétés est de 30 % environ, impôts locaux compris

La distribution de dividendes donne lieu à une retenue à la source de 15 %

Quelques données macro-économiques

Le Luxembourg est coté AAA par les agences SP, Moodys et Fitch

Le PIB par habitant était de 103.000 $ en 2015 (vs 56.000 pour les USA, 42.000 pour l’Allemagne et 38.000 pour la France.

Sa dette publique représentait 22,9 % du PIB en janvier 2015 (vs. 92,1 % en Zone euro)

La croissance en 2014 : 5.57 %.

Le taux de chômage atteignait 6,6 % en 2015

Mais malgré ces résultats, le Luxembourg  n’a pas été épargné par la crise mondiale : les actifs sous gestion ont baissé de 17% dans les banques privées et de 26% dans les fonds d’investissement. Le pays traverse une relative période de turbulences !